Bienvenue !

Ma vie romanesque

mercredi 22 janvier 2014

La croisée des chemins

C'était il y a plus de dix ans, un soir de janvier, je crois me souvenir. J'avais déjà trois beaux enfants dont j'étais extrêmement fière (je le suis restée), un livre publié, quelques manuscrits dans des tiroirs, un orteil à l'université, un doigt dans la vie locale, beaucoup d'envies, comme des graines en attente de germer. Laquelle arroser de temps et de travail ?
C'est alors qu'un ami, médecin, me téléphona.
- Avec des collègues, on fait venir Martin Winckler ce soir. Tu viens avec nous ? Toi qui aimes les livres, ça devrait t'intéresser.

C'était le cas, bien sûr, et après une courte délibération, je suis partie me glisser discrètement, presqu'en fraude, dans l'assemblée de soignants réunie ce soir-là pour écouter un des leurs parler de médecine et de littérature.
A la fin de la conférence/causerie, et comme personne ne m'avait mis à la porte, j'ai pris sur l'étal de la libraire venue tout exprès, un exemplaire de "La Vacation", et suis allée le faire dédicacer.
C'est alors que l'ami avec qui j'étais venue, bien moins timide que moi, me prend par le bras et me désigne à l'écrivain :
Lui : Vous savez, elle aussi, elle écrit des livres.
Moi : Beuh... euh... mais non, juste un... même pas un roman...
Lui : Tu n'as pas des romans aussi ?
Moi : euh, si mais...
Martin Winckler : C'est vrai, vous écrivez ?
Moi : Oui, c'est vrai, j'ai quelques romans en cours, mais ils ne sont pas terminés
Martin Winckler (d'un ton enthousiaste) : Mais il faut les finir ! lancez vous ! C'est formidable !
Moi : ...
(Comme vous pouvez le constater, je suis très à l'aise en public. Je dirais même pétillante, vous ne trouvez pas ?)

Le soir-même, rentrée chez moi, retrouvant la douceur d'un foyer plein de petits gamins d'âge tendre heureusement couchés, les mots de l'auteur me revenaient. Ses mots, et surtout son ton, la sincérité de sa voix, son enthousiasme communicatif.
Et je me suis dit : pourquoi pas ?
J'ai ressorti du tiroir les deux premiers romans "achevés", (c'est à dire... pas tellement) et le troisième, juste commencé et mal parti. Et je me suis dit que si j'arrivais à faire quelque chose de ce troisième opus, cela vaudrait peut-être la peine de poursuivre dans cette direction.
Deux ou trois mois plus tard, c'était chose faite. Il me fallait seulement trouver un titre, avant de le proposer à un éditeur. J'ai cherché longtemps, et  arrêté mon choix sur "le parchemin disparu de maître Richard".  Je ne suis pas très douée pour les titres.

Alors quoi ? Je me serais peut-être remis à écrire même si je n'avais pas fait cette rencontre, ce soir de janvier, avec un écrivain généreux. Mais peut-être pas. Peut-être que "les Deniers", "les Assiégés" et un très mauvais début du "Parchemin" seraient pour toujours restés à l'état d'ébauche dans des cahiers, dans mes placards. Je vois à présent ce qui manquerait à ma vie si cela avait été le cas, si je n'avais jamais osé aller au bout de ce travail d'écriture. Il fallait que je remercie Martin Winckler pour cette parole, ce soir-là. C'est chose faite.

Aucun commentaire: